Evoquer la vieillesse et son cortège de dépendance et de souffrance n'est certes pas facile ni très attrayant. Mais c'est pourtant de ce même corps, autrefois happé dans une quête imaginaire, qu'il s'agit. Ce corps, alors objet de convoitise, maintenant objet de soin, dont la présence massive nous imposera un jour les dures lois de sa dégradation et de sa finitude, même si nous préférons ne pas y penser. Dans notre société, le grand âge, la démence, la douleur, la fin de vie, sont occultés, font peur. Mais la réalité est là, sans échappatoire. Comme toute infirmière s'occupant de personnes âgées, je pourrais faire tout un catalogue des difficultés qu'elles subissent, d'autant que j'ai été et suis encore à leur service dans les aspects variés qu'il requiert du plus léger, en maison de retraite, au plus lourd, en unité de soins palliatifs de gériatrie, en passant par le long séjour hospitalier. Mais je n'ai pas envie ici d'un tel catalogue, réducteur d'une réalité à nulle autre pareille. Ni de généralités sur les escarres, la dénutrition, le déficit des fonctions supérieures ou les traitements morphiniques. On peut trouver cela ailleurs. Non que je méprise ces généralités : indispensables, elles structurent mon travail jour après jour. Je voudrais aller plus loin, passer des images à une parole singulière, des corps aux visages. Dire la chance, la difficulté aussi, de ces rencontres que mon métier passionnant m'a permis de vivre. Geneviève Mora