Le paradoxe de l'extra-muros

Changement et permanence - Questions sur les Soins à domicile, la Santé Mentale, les Soins Palliatifs, l'Aide aux Personnes Handicapées, etc.

GOSSIAUX Didier , DECLEYRE Xavier , SIMON Dominique , FELTESSE Patrick , PEEMANS-POULLET Hedwige , RASSON Martine , DOCQUEGNIES Véronique , STENGELE André , CARTON Albert , DIERCKX Carine Disponible à
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Résumé

EDITORIAL

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Comme le titre que nous avons voulu donner à ce dossier préparé par Xavier Decleyre et Dominique Simon l'indique, les paradoxes ne manquent pas dès lors que l'on s'efforce de comprendre les mutations qui sont aujourd'hui en cours dans le champ social et sanitaire. Si, comme l'affirme une très belle expression, un paradoxe c'est "la vérité qui se tient sur la tête pour attirer l'attention", bon nombre d'évidence sont ici à découvrir (ou à redécouvrir) dans cette réflexion autour de l'alternative à l'institutionnalisation qui allie interdisciplinarité dans les modes d'approche, transversalité des champs et alternance des regards de praticiens et d'analystes. Quelques-unes de ces vérités âradoxaes accorchent tout particulièrement l'attention à la lecture des différents articles, débats et témoignages de ce numéro, sans qu'elles épuisent toutefois les nombreux "paradoxes de l'extra-muros" dont il y sera abondamment question.
Notons tout d'abord une première contradiction qui, dans son affligeante réalité, prend une valeur quasi emblématique. Les contraintes budgétaires liées à la santé des finances publiques ont réussi à impulser un mouvement de désinstitutionnalisation dans le secteur social et sanitaire, ce à quoi avaient échoué les nombreux mouvements qui, depuis une trentaine d'années, revendiquaient l'humanisation des hôpitaux, la prise en compte de la volonté d'autonomie des usagers, ou encore une alternative à l'enfermement psychiatrique. On peut voir ainsi que dans les matières sociales, le débat sur la qualité du service n'est jamais très éloigné de considérations beaucoup plus pragmatiques qui risquent souvent de rendre impossible (ou inaccessible ce qui revient au même) la réelle prise en compte d'un objectif de qualité. Nous touchons ici à une question essentielle qui fait elle-même figure de paradoxe: alors que la richesse n'a jamais été aussi importante qu'elle l'est aujourd'hui, il paraît difficile d'encore assurer le simple bien-être d'une partie importante de la population. Le premier des paradoxes  de l'extra-muros c'est, sans doute, de montrer de la sorte que ce qu'il faut bien appeler une crise de la solidarité est à l'oeuvre dans le mécanisme qui consiste, sous couvert de responsabilisation du patient, à diminuer le niveau de sa prise en charge par la collectivité.
Un deuxième paradoxe réside dans la contradiction que l'on constate entre deux mouvements. D'un côté, une tendance à la désinstitutionnalisation est évidemment centrale dans le développement des initiatives qi se veulent alternatives à une prise en charge lourde. Aussi bien du côté des soins à domicile et des soins palliatifs que de celui de l'accompagnement social et de l'aide à la vie journalière, pour n'en citer que quelques unes, l'accent est mis sur la proximité par rapport à l'usager et sur sa participation à la mise en oeuvre des moyens d'intervention. D'un autre côté, force est de constater l'omniprésence sinon la prépondérance, dans les dispositifs mis en place, des grands appareils médico-sociaux issus des fameux piliers qui segmentent étroitement le secteur social en Belgique, cette omniprésence laissant présager d'une volonté d'hégémonie qui pourrait être préjudiciable à une réelle prise en compte de l'utilisateur des services. En effet, si le développement des pratiques extra-muros a bien donné lieu à des nouveaux modes d'intervention, il n'a pas nécessairement été accompagné d'une décentralisation des modes de gestion et de décision. La proximité pllus grande par rapport à l'usager pourrait ainsi n'être que la face la plus apparente d'un mécanisme donnant l'illusion d'être construit autour de la centralité de celui-ci alors qu'il résulte en réalité d'une logique centralisatrice.
Un dernier paradoxe que nous voudrions mettre ici en évidence provient de la rencontre entre le développement récent de ce qu'on appelle les services de proximité et la question de l'emploi. Destinés à améliorer la qualité de la vie à travers la prise en charge de besoins sociaux, parfois de toute première nécessaité, qui ne sont pas pris en compte faute de rencontrer une demande solvable, les services de proximité constituent en outre une importante réserve d'emplois, notamment, mais pas uniquement, pour des personnes peu qualifiées ou rapidement qualifiables dans le cadre de fomations courtes. Faute d'un réel financement de ces services de la part des pouvoirs publics, les conditions d'un tel scénario sont loin d'être réunies. Ne faut-il pas au contraire craindre à la fois la précarisation croissante de certains emplois, surtout féminins, existants dans le secteur (pensons notamment aux aides familiales) et le développement des "petits boulots" (construits ou non sur le modèle de l'ALE), c'est-à-dre sur un modèle de rapport au travail qui, selon André Gorz, est celui de la domesticité, rompant ainsi le lien entre le travailleur et l'ensemble de la société? Nous retrouvons ici la question de la qualité, mais exactement renversée, c'est-à-dire posée au départ des conditions de travail et du statut professionnel de celui qui offre le service.
Tels sont quelques uns des "paradoxes de l'extra-muros" tels qu'ils se dévoilent à la lecture de ce dossier. Comme on peut le voir, ils constituent également des enjeux centraux de la construction d'une nouvelle citoyenneté. Les expériences que nous interrogeons dans ce numéro sont, certes, porteuses d'espoir quant aux perspectives d'une définition nouvelle des rapports sociaux de services, mais elles sont également riches d'enseignements quant aux contradictions qui s'affrontent dans un domaine dans lesquels les enjeux sont multiples et complexes.

Thématiques

Médical Nursing Pharmacologie

Mots-clés

accompagnement,aidant,aide soignant,home,infirmier,maison de repos,maison de repos et de soins,politique,soins palliatifs


Détail du document
1994
Langue: Français
Disponibilité en bibliothèque
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Wavre - 04-DE SI-1

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