Grand précurseur en matière de soins palliatifs, le Québec accueillait, du 5 au 7 mai 2013, la crème des spécialistes en soins palliatifs de la planète francophone. Comme les Français, les Québécois étaient présents en nombre – leur 23ème congrès était jumelé à la manifestation internationale – mais les Belges constituaient aussi une délégation bien visible, tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif. Avec, en ce qui les concerne, une constatation unanime: leur pratique des soins palliatifs n’a rien à envier à ce qui se fait ailleurs.

Le profane peut raisonnablement se demander ce qu’on peut bien présenter encore d’innovant en matière d’accompagnement des patients en fin de vie, tant le contexte paraît défini et bien cadré. Selon toute apparence, ce n’était pas le cas des 1300 à 1350 participants qui se sont pressés à Montréal au congrès précité. Avec, pour eux, une surprise non prévue au programme: le soleil et les 25 à 30 degrés rencontrés dans la Belle Province, alors que la Belgique, au même moment, se perdait dans une grisaille frileuse. Il est vrai qu’à la distance d’un océan, tout devient possible…

Une loi en point d’orgue

Tous les professionnels du secteur le savent : dans la foulée des hospices britanniques pionniers, le Québec s’est approprié de façon résolue la démarche palliative. La Maison Michel Sarrazin de Sillery (banlieue de Québec) - souvent citée en exemple – fait dans ce contexte figure de référence ; depuis sa création en 1985, elle a accueilli et accompagné plus de 7000 patients en fin de vie. C’est dire à quel point elle fait figure d’« institution » dans le paysage des SP. Cela n’empêche toutefois pas les Québécois de s’interroger sur les « alternatives », puisqu’un large débat devrait s’ouvrir bientôt sur la fin de vie avec, en point d’orgue, une proposition de loi dont la discussion s’annonce animée. Une discussion longue, sans aucun doute, comme partout ailleurs. On conviendra que dans un tel contexte, toutes les expériences détaillées lors du congrès prenaient une résonance particulière. Et les expériences belges n’étaient pas les moins écoutées, certaines présentations faisant même l’objet d’un prolongement médiatisé sur les chaînes télévisées internationales. 

Au total, c’est une vingtaine de ressortissants belges francophones qui ont fait profiter l’auditoire de l’une ou l’autre partie de leur pratique. De façon remarquée, le plus souvent ; les quelques-uns qui ne présentaient rien apportant, en marge des communications, le complément d’information pratique parfois attendu. Il est également à noter que la Belgique francophone était représentée de toutes parts, d’Arlon à Bruxelles avec toutefois une délégation hennuyère particulièrement étoffée. 

Des thèmes surprenants

Si tous les aspects classiques propres aux SP faisaient l’objet de communications et d’ateliers, on ne pouvait manquer de noter l’apparition de thèmes innovants ou d’émergence récente. Très remarqué, par exemple: un atelier consacré au rire en fin de vie. Surprenant, voire déplacé? C’est tout le contraire: tant que la mort n’a pas fait son œuvre, le malade appartient au monde des vivants; il a donc droit à sa part d’émotions positives et le rire y contribue. Dans un registre radicalement différent, une équipe montoise faisait état de sa démarche « qualité » avec pour référentiel une norme de type ISO (démarche relatée en détail dans le numéro 18 de notre revue) ; une démarche qui a retenu toute l’attention de gestionnaires d’institutions venus tout exprès profiter de cette expérience innovante dans un secteur où l’activité paraît aux antipodes d’une pratique normalisée.  

On prend aussi toute la mesure de la dimension humaine du soin palliatif que d’aucuns aimeraient plutôt qualifier de supportif. Simple question d’image.  Même s’il restait régulièrement question de médecine « pure et dure » - traitement de la douleur oblige – une très large fenêtre demeurait en permanence ouverte sur une autre dimension où la personne humaine, dans toutes ses particularités, ses singularités, voire ses travers, gardait une position centrale. Entre la confection d’un mandala ou l’écoute de la harpe, on se sentait parfois bien loin de ce qui fait la rigueur des congrès strictement biomédicaux. Mais personne n’a semblé s’en plaindre…

L’avenir en point de mire

La prochaine édition de ce congrès francophone se tiendra dans deux ans en Tunisie, et plus particulièrement sur l’île de Djerba. Cette localisation devrait avoir un mérite additionnel : permettre aux spécialistes africains des soins palliatifs de présenter eux aussi leur expérience. Pour de sombres raisons de refus de visa, aucun de ceux qui s’étaient inscrits au congrès canadien n’a pu y prendre part, pas même les orateurs attendus. 

Un élément positif pour conclure, mais au seul bénéfice des Québécois : la première ministre (Madame Maroit) qui ouvrait le congrès, a annoncé l’allocation d’un budget récurrent de 15 millions de dollars au secteur des soins palliatifs locaux. Autant dire qu’à l’annonce de cette nouvelle, les opérateurs locaux présents dans la salle n’ont pu retenir un tonnerre d’applaudissements.

Ils ont subitement fait de nombreux envieux…

Par Jean-Michel DEBRY, chroniqueur scientifique, biologiste, consultant hospitalier.