En soins palliatifs, la bienveillance est de mise, cela paraît une évidence. Nous sommes tous là, des médecins aux bénévoles en passant par les infirmières, psychologues, kinés, assistants sociaux, pour permettre au malade d’atteindre le confort pour sa fin de vie et d’être accompagné ainsi que ses proches. Nous  voulons le meilleur pour lui, nous veillons à ce qu’il soit bien : n’est-ce pas cela la bienveillance ? A condition de savoir ce qu’est le bien, le meilleur et là, déjà, la réflexion éthique devient nécessaire : ce qui me paraît bien, pour moi, selon mes idées et mes valeurs, sera-ce aussi bien pour l’autre ? Poser un regard de bienveillance sur les êtres et les situations est peut-être facilement à ma portée, mais suis-je d’accord pour poser un acte qui fera du bien à l’autre mais pas à moi ? 

Et si le soin palliatif, comme nous l’avons appris et pratiqué, devenait parfois une affaire de militantisme, d’un idéal qu’il faut atteindre, à tout prix ? Nous voulons garder intactes les idées de ceux qui se sont battus, parfois de façon acharnée, pour que ce type de soins entre dans nos hôpitaux et nos maisons de repos, dans nos facs de médecine et  nos écoles d’infirmières. Faut-il s’adapter au mode de vie actuel, si rapide, avec la fin de vie du proche qui ne doit déranger personne, ou devons-nous résister en invitant la famille à faire de la place, même petite, pour la mort qui s’invite ? 

L’acharnement, lui, c’est un mot qui n’a pas sa place dans notre vocabulaire ni dans nos chartes et que nous souhaitons bannir de nos pratiques comme de nos réflexions éthiques. Et puis, de quel acharnement est-il question ? Thérapeutique ? Palliatif ? Médical ? Psychologique ? Peut-être un peu de chaque. Il sera question de l’acharnement du médecin (ou de l’infirmière...) qui veut absolument que le malade ne souffre plus, même au prix de sa lucidité : ici acharnement médical, thérapeutique et palliatif ! Que penser des bénévoles ou des psychologues, assistantes sociales qui veulent absolument aider le patient et ses proches ? C’est leur mission.  

Où s’arrête le soin palliatif et où commence l’acharnement ? Il n’est parfois pas facile, pour un soignant qui veut travailler dans un cadre bien défini, d’être confronté à un malade qui réclame des gestes ou des attitudes qui ne paraissent pas en accord avec le cadre choisi. Bien sûr, il y a la demande d’euthanasie, mais cette fois-ci, il sera plutôt question du refus de soins palliatifs, de ces malades qui veulent juste la paix, qu’on les laisse tranquilles et dont la famille et les soignants les remettent en mouvement. Il pourrait s’agir encore de ces patients, pas toujours âgés, qui en ont assez de vivre dans la situation qui est la leur et qui nous demandent de les aider à partir, doucement (donc pas d’euthanasie) mais que cela ne dure pas trop longtemps. 

Devons-nous suivre nos protocoles, nos bonnes pratiques de soins palliatifs ? Ou pouvons-nous nous en écarter mais à quelles conditions ? 

Avons-nous des outils pour faire face à ces interpellations venant des malades ou de leurs proches ? 

Corinne VAYSSE-VAN OOST

Médecin généraliste spécialisée en soins palliatifs