COUP DE COEUR

Le canard, la mort et la tulipe

ERLBRUCH Wolf
Livre
Enfant
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La critique

La littérature jeunesse propose de plus en plus de livres sur la mort, la fin de vie et le deuil. Beaucoup sont des livres intentionnels, destinés à expliquer aux enfants ces sujets redoutés qui laissent les adultes que nous sommes souvent démunis. 

Certains albums jeunesse boxent dans une autre catégorie. Véritables pépites d’artiste dont la création graphique et narrative parvient à révéler nos sentiments mêlés sur les grandes questions de la vie. Le livre de Wolf Erlbruch est, à ce titre, un ouvrage tout à fait à part dans sa façon de traiter le sujet de la mort. 

L’histoire est celle d’un canard qui, un beau jour, rencontre la mort. La mort vient-elle le chercher ? Va-t-elle l’emporter ? « Je suis dans les parages depuis que tu es né – juste au cas où. »  La mort et la vie coexistent, la mort est dans la vie jusqu’à ce qu’un jour, on la remarque. Fait rare, la rencontre de la mort est ici prise de conscience. Il vient un moment où il n’est plus possible d’évacuer l’idée de sa mort. C’est comme si l’échec du refoulement de notre mort était mis en images et en mots. Et quelles images, quels mots !

On assiste au dialogue entre le canard et la mort, ce dialogue intérieur que l’on entend chez nos patients qui se débattent avec eux-mêmes, laissant entendre incompréhension, peurs, angoisses, solitude, mais aussi désir d’éternité, de permanence et auto-dérision. Parce que page après page, alors que l’on pressent la gravité des instants, la drôlerie s’invite.

On se régale de la douceur des illustrations qui, dans leurs traits simples et subtils, montrent notre humanité dans ce face-à-face avec notre finitude. La tulipe, présence discrète de l’histoire, évoque le registre symbolique dont l’homme ne peut se départir pour encaisser la perte et lui donner le sens dont il a besoin pour y survivre. 

Cet album graphique qui n’a rien à envier aux manuels de psychologie ou de philosophie qui dissertent sur le sujet, est un petit chef d’œuvre. Pour les grands, surtout pour les grands.


Par: Caroline Franck et Catherine Mélon, Psychologues de la Plate-forme des soins palliatifs en Province de Liège
Les propos repris ci-dessus n'engagent la responsabilité que de l'auteur de cette critique.

Extrait

- Certains canards disent également que sous la terre, il y a l'enfer où sont rôtis ceux qui n'ont pas été de bons canards.
- C'est surprenant, tout ce que vous pouvez raconter, vous, les canards ! Mais qui sait ?
- Alors tu n'en sais rien non plus ? cancana le canard.
La mort se contenta de le regarder.


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