COUP DE COEUR

Le visage de nos colères

Philosophie d'une émotion vitale

GALABRU Sophie
Livre
Ado,Adulte
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La critique

La colère fait partie des émotions socialement indésirables. Pourtant, dans les situations d'oppression ou d'injustice, elle peut devenir une force de résistance, un puissant levier pour défendre nos droits et nos libertés.

Dans Le Visage de nos colères, Sophie Galabru prend le contre-pied des discours dominants du développement personnel, qui nous invitent à la contenir, la maîtriser, voire l’étouffer pour ne jamais « craquer ». Pour elle, la colère est une énergie précieuse qu’il faut apprendre à canaliser pour en faire un outil de dialogue et de transformation. Elle nous invite à l’aborder avec plus de bienveillance, à la réhabiliter sans la glorifier. En s’inspirant notamment de la pensée d’Hannah Arendt, elle rappelle que la colère ne se réduit pas à une réaction irrationnelle, mais peut aussi être une réponse politique face à l’injustice.

Le livre est accessible et vivant grâce à ses nombreux exemples (la correspondance vive entre Marcel Pagnol et Jules Muraire, le combat de Gisèle Halimi pour la criminalisation du viol, Hulk, figure populaire d’une colère incontrôlable qui transforme…).

Colérer est une chose, mais n’est-il pas plus raisonnable de pardonner, de se réconcilier ?
À travers une étude relative aux vies perdues et gagnées durant la crise sanitaire du Covid-19, ainsi que les atrocités vécues pendant les guerres (viols, séquestrations…), Sophie Galabru nous invite à questionner ce geste que l’on associe spontanément à la bonté : Le pardon est-il toujours moral ? Dans certains cas, n’est-il pas plus juste d’exiger des responsabilités plutôt que du repentir ?

L’ouvrage est extrêmement bien documenté (211 références).

Un petit regret : les exemples restent largement ancrés dans la sphère politique, laissant le secteur de la santé en marge. Deux questions demeurent en suspens : Comment, même en colère, continuer à prendre soin de soi ? Et comment exprimer cette émotion sans blesser ni défaire les liens qui nous relient aux autres ?



Par: Nathalie Legaye, coordinatrice, PalliaLiège ASBL
Les propos repris ci-dessus n'engagent la responsabilité que de l'auteur de cette critique.

Extrait

P 11 § 1 “En fin de compte, il est plus difficile de détruire un préjugé ancré en soi qu’une vitrine de magasin. Plus ardu de s’arracher à ses habitudes que de crier, plus éprouvant d’être la révolution que de la faire.”

P 179 §2 “Celles et ceux qui ne comprennent pas ces colères, voire ces violences, ne vivent pas - directement ou indirectement - ces systèmes oppressifs. Être privilégié, c’est précisément se trouver hors des positions subalternes et malmenées, c’est se vivre libre, sans conscience de ce confort. Comprendre la colère des autres demande de l'imagination. La lecture ou l’écoute de récits tant individuels que collectifs, voire de recherches sociologiques, sont les ressources qui nous y ouvrent.”

P 188 §1 “Réhabiliter la colère en montrant qu’elle est l’état de mon corps en rapport avec de hautes valeurs humaines (le juste, l’égal, le vrai) doit contribuer aussi à revitaliser l’individu. Elle l’aide à se libérer d’une tristesse pour adhérer à son courage.”



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