COUP DE COEUR

Nos étoiles contraires

GREEN John
Livre
Ado,Adulte
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La critique

Les romans destinés aux adolescents et qui abordent frontalement la question de la maladie et de la mort ne sont pas légion, et à ce titre, Nos étoiles contraires mérite déjà toute notre attention. Mais au-delà de cette singularité, le roman de John Green se démarque aussi et surtout par la façon dont il relate l’histoire d’Hazel Grace et Augustus, deux existences fracassées par le cancer qui vont connaître ensemble le meilleur comme le pire, des premiers émois d’un amour naissant jusqu’à la reddition face à la maladie.

Comme souvent dans les plus belles histoires, tout commence de manière fortuite : réunis au sein d’un groupe de soutien pour adolescents atteints d’un cancer auquel ils sont peu ou prou contraints de participer, Hazel Grace et Augustus vont apprendre à se connaître, et se découvrir entre autres affinités un goût prononcé pour le sarcasme et une appréhension à la fois lucide et désabusée du mal qui les ronge, et de la vie en général.

Plus tard, c’est autour d’un mystérieux ouvrage inachevé, Une impériale affliction, le livre préféré d’Hazel Grace, que va se cristalliser leur relation. Rencontrer l’auteur de ce livre deviendra rapidement leur quête commune, une quête qui les conduira des Etats-Unis aux Pays-Bas (et retour!), en un voyage initiatique à plus d’un titre. 

Le ton non consensuel, parfois irrévérencieux mais toujours juste de John Green sert à merveille l’histoire de ces deux adolescents, une histoire d’autant plus intense et extraordinaire qu’on la devine condamnée d’avance.

Car c’est bien là tout le propos de Nos étoiles contraires : que faire lorsque la maladie vous cueille à froid, à cet âge où théoriquement, l’énergie, le désir, la vie même devrait suinter par chacun de vos pores ? Comment se débrouiller avec un corps défaillant, émacié, mutilé parfois, lorsqu’il s’agirait de donner la meilleure image de soi ? Quelle place fait-on aux projets, aux rêves, aux envies lorsque le temps qu’il vous reste à vivre ne se compte déjà plus en années ? Quelle fille ou fils reste-t-on quand la maladie vous éloigne à ce point de l’enfant rêvé par des parents qui vont, contre toute logique, vous survivre ? Parce que « la seule chose qui craint plus que crever d’un cancer à 16 ans, c’est d’avoir un gosse qui crève d’un cancer ».

John Green n’idéalise rien de cette histoire d’amour et de lutte pour la vie, et son récit est souvent âpre et rude. Mais n’ayez crainte, Nos étoiles contraires n’est pas que l’histoire d’une maladie. Car comme un torrent charrie des pierres, ce roman intense et lumineux emmène son lecteur partout sauf là où il pensait aller! Et s’il le malmène parfois, il lui donne également une formidable leçon de vie et d’espoir. Souvent sous la forme d’un uppercut bien placé, qui le laisse pantelant et cabossé, mais qui le rend plus que jamais désireux de vivre intensément chaque minute qui lui est offerte.


Par: Sandra Hastir, Coordinatrice de l'Association des Soins palliatifs en Province de Namur
Les propos repris ci-dessus n'engagent la responsabilité que de l'auteur de cette critique.

Extrait

L’année de mes dix-sept ans, vers la fin de l’hiver, ma mère a décrété que je faisais une dépression. Tout ça parce que je ne sortais quasiment pas de la maison, que je traînais au lit à longueur de journée, que je relisais le même livre en boucle, que je sautais des repas et que je passais le plus clair de mon immense temps libre à penser à la mort.

Quoi qu’on lise sur le cancer (…), on trouvera toujours la dépression parmi les effets secondaires. Pourtant, la dépression n’est pas un effet secondaire du cancer. C’est mourir qui provoque la dépression (…). Mais ma mère, persuadée que je devais être soignée, a pris rendez-vous chez mon médecin, le docteur Jim, qui a confirmé que je nageais en pleine dépression, une dépression tétanisante et tout ce qu’il y a de plus clinique. Conclusion : il fallait modifier mon traitement, et je devais m’inscrire à un groupe de soutien hebdomadaire. 

Le groupe mettait en scène des personnages plus ou moins mal en point et sa composition changeait régulièrement. Pourquoi changeait-elle ? C’était un effet secondaire de mourir.



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